Camille NIMPER, secrétaire adjointe responsable des AED et AESH pour le SNALC Orléans-Tours, était l'invitée de Clara BEVILACQUA ce mercredi 29 janvier 2025 sur RCF Loir-et-Cher.
Dans cette interview de 12 minutes, Camille NIMPER évoque en détails l’état de l’école inclusive dans l’académie Orléans-Tours et au niveau national, ainsi que les conditions de travail et les besoins des AESH dans les six départements de la région.
Suite au mouvement de grève des personnels AESH le 16 janvier dernier, elle y expose également les revendications du SNALC pour améliorer nettement leur cadre professionnel, afin de sécuriser durablement leur quotidien et leur carrière.
Camille NIMPER
Secrétaire académique
responsable des AED / AESH
Clara BEVILACQUA
Journaliste RCF 41
*** Verbatim - Extraits choisis ***
• Sur l'école inclusive
« Je le dis, le SNALC n’est pas du tout contre cette inclusion, cette école inclusive, absolument pas. Mais par contre, il faut que chaque enfant ait son handicap qui soit compensé par des moyens humains et matériels à la hauteur. Donc en fait aujourd’hui, le SNALC dénonce l’école inclusive au rabais que nous subissons. »
« Il y a beaucoup d’élèves qui sont notifiés par la MDPH, qui devraient avoir droit à un accompagnement humain mais qui n’ont pas, ou en tout cas pas pour la totalité de l’horaire prévu, un accompagnement humain. Et c’est sans compter les élèves qui ne sont pas notifiés mais qui nécessiteraient pourtant une aide humaine. »
« Et surtout elles (les AESH) sont là pour mettre en confiance l’élève et le but, c’est vraiment de favoriser les apprentissages. »
« Les AESH ont de vraies missions, elles ne sont pas du tout là pour faire de la garderie ou être un simple adulte en surnuméraire dans une classe. Ça peut être rassurant mais ce ne sont pas leurs missions. »
• Sur les conditions de travail
« Les AESH sont les deuxièmes personnels les plus nombreux, juste derrière les enseignants. Donc on parle vraiment d’un groupe très nombreux qui subit, comme vous le dites, ces conditions dégradées. »
« On a des situations qui nous ont été remontées d’AESH qui suivent jusqu’à 20 élèves différents, c’est beaucoup. […] On est vraiment sur quelque chose d’assez ubuesque. On fait du saupoudrage, un petit peu par ci, un petit peu par là. Les emplois du temps des AESH sont aussi changés régulièrement et elles peuvent être aussi dispersées sur plusieurs établissements… donc c’est un peu compliqué d’avoir dans ces conditions un vrai suivi des élèves. Nous, au SNALC, on milite vraiment pour une individualisation de l’accompagnement des élèves parce qu’on estime que chaque enfant a ses spécificités propres. Aujourd’hui, on voit qu’on fait des économies sur le dos des élèves en situation de handicap et nous, ça nous pose problème. »
« Ce recours à des AESH mutualisées se multiplie aujourd’hui. Il faut le dire, je crois qu’on fait du bricolage avec des bouts de ficelle. »
« On a une augmentation conséquente du nombre d’élèves avec des formes de handicap complexes, soit tout ce qui est troubles mentaux, troubles psychiques importants ou même des polyhandicaps. Et nos AESH sont vraiment dans le plus grand désarroi pour gérer ces situations et elles ont à faire à des comportements vraiment imprévisibles, déstabilisants voire même violents. On nous remonte très régulièrement, même encore là ces derniers jours, des comportements dangereux des élèves qu’elles suivent avec des compas, des ciseaux, elles se font tirer les cheveux, on a des remontées d’AESH qui se sont fait cracher dessus, qui se sont fait mordre. On leur demande parfois de changer les couches en maternelle. Bon c’est quand même compliqué dans ces conditions. […] Nous, au SNALC, on dénonce la faiblesse de la formation, initiale ou continue, et clairement aujourd’hui on voit qu’elles sont confrontées à des situations qui dépassent leurs compétences et leurs moyens d’action. On a beaucoup d’AESH en souffrance, c’est en tout cas ce que je reçois par mail, par téléphone régulièrement. »
• Sur la mise en place du temps d'accompagnement méridien
« Avoir un accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps de la pause de midi. C’était à la base prévu pour venir en plus des 24 heures par semaine, mais encore une fois les budgets font défaut. En fait, on retire des heures d’accompagnement en classe, donc on pioche parmi les 24 heures que font les AESH en présence des élèves pour, du coup, les faire accompagner les élèves en situation de handicap sur le temps de la pause de midi. Ce qui fait qu’on n’augmente pas la quotité travaillée de l’AESH et, du coup, ça ne permet pas d’avoir un meilleur salaire alors que c’était la promesse faite au départ. »
• Sur la précarité salariale et statutaire
« C’est aussi une réalité : aujourd’hui, on ne recrute pas certaines AESH faute de budget. Et parfois aussi certains contrats ne sont pas reconduits. »
« C’est difficile de stabiliser ou de fiabiliser les AESH dans ces conditions. Moi j’ai régulièrement des AESH qui m’appellent et qui me disent « Voilà, je n’en peux plus, les conditions se dégradent, je veux faire autre chose, je veux changer ». Donc il faut arriver à fidéliser cette profession et au SNALC, on estime que l’attractivité et la sécurisation du métier d’AESH passent par la création d’un statut de fonctionnaire catégorie B pour ces personnels. Parce que si elles sont autant indispensables que le Ministère le dit – et elles le sont, croyez moi –, donnons leur le statut qu’elles méritent. »
« Les AESH sont quasiment toutes à temps incomplet donc 62 %, ça correspond à 24 heures par semaine. Alors je le dis d’emblée, nous au SNALC on milite pour un temps plein pour les AESH. Mais elles accompagnent les élèves 24 heures sur la semaine et ça représente un salaire de 900 euros nets. Donc vous comprenez que c’est pas le métier le plus attractif qu’on ait. C’est vraiment pas grand-chose pour un métier vraiment indispensable. Il n’y a pas eu d’augmentations en 2024, il n’y en a pas de prévue pour 2025. Donc il faut bien se le dire, les AESH restent des travailleurs pauvres. »